s’élevaient que de loin en loin quelques arbres isolés ; tant que rien n’empêchait l’œil de plonger dans la profondeur des plaines, les navigateurs se laissaient bercer doucement par le fleuve. Mais lorsqu’il vint à couler entre deux rives boisées, dont les ombrages pouvaient cacher l’ennemi acharné qui les poursuivait, à la sécurité succéda l’inquiétude, et, la carabine à la main, les deux chasseurs fouillaient d’un regard soupçonneux les bois qui couvraient l’une et l’autre rive.
Pepe ne s’était pas trompé en affirmant que les Indiens embusqués derrière les saules, auxquels s’était jointe une partie de la troupe de l’Oiseau-Noir, étaient les mêmes guerriers qui les avaient assiégés dans l’îlot de la rivière de Gila. C’étaient bien les hommes avec lesquels on se rappelle que l’Antilope devait partir du camp incendié des Mexicains, pour explorer les traces des trois chasseurs. Un minutieux examen, rendu bien difficile par la dispersion du radeau flottant, et qui dura deux jours entiers, avait conduit l’Antilope depuis l’embranchement des deux rivières jusqu’au val d’Or, du val d’Or au bord de la Rivière-Rouge et jusqu’à l’endroit où Bois-Rosé, Pepe et Gayferos s’étaient embarqués dans le canot du jeune Comanche. Il n’était donc pas probable que l’échec qu’il venait de recevoir arrêtât l’Antilope, une fois sa jonction opérée avec le parti nombreux de l’Oiseau-Noir.
Au milieu des forêts que traversait le fleuve, la navigation devenait dangereuse, lente et pénible : dangereuse à cause des embuscades que les rives pouvaient cacher ; lente et pénible, en ce qu’il fallait avoir l’œil partout à la fois, sur les bois épais des bords et sur le cours de l’eau, obstrué à chaque instant par des arbres flottants dont les branchages entravaient la marche du canot et pouvaient en outre le crever d’un moment à l’autre.
Deux heures de navigation n’avaient pas éloigné la barque de plus d’une lieue de l’endroit où les rives du