Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/364

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autres, qui prouvaient qu’un engagement meurtrier avait lieu dans cet endroit.

Le Canadien contint de la main le carabinier, qui voulait le dépasser.

« Doucement, Pepe, lui dit-il ; il est urgent que, dans le cas où nos trois alliés se replieraient sur nous, ils ne puissent nous manquer. Nous n’avons pas de cri de ralliement avec les Comanches ; c’est un grand tort, qu’il faut réparer autant que possible. Ne marchons donc pas à la file indienne, mais de front, à une assez large distance les uns des autres pour élargir notre ligne sans cesser d’être à même de nous porter mutuellement secours. »

Les chasseurs adoptèrent l’avis de Bois-Rosé, et s’écartèrent tous trois de manière à former une ligne de cent cinquante pas de front dans laquelle leurs alliés ne pussent manquer de tomber en regagnant leur rendez-vous. Ils prirent un pas égal et rapide, et s’avancèrent vers l’endroit où d’autres explosions se faisaient encore entendre. Gayferos occupait le centre de la ligne dont Pepe, sur la gauche, et le Canadien, sur la droite, formaient les deux points extrêmes.

Pour ne pas risquer de trop s’éloigner les uns des autres, Pepe et Bois-Rosé faisaient entendre de temps en temps le cri du coyote ou chacal, leur cri ordinaire de ralliement dans les forêts, où les animaux de ce nom se trouvent toujours en grand nombre. C’est la coutume parmi les Indiens et les chasseurs blancs, pour ne pas exciter de soupçons, de varier leurs signaux selon les cris des oiseaux ou des animaux qui fréquentent habituellement les divers endroits où ils se trouvent. Le gambusino, placé entre les deux coureurs des bois, ne pouvait manquer de suivre ainsi une marche parallèle à la leur.

Bois-Rosé fut le premier qui sentit sur sa joue gauche le souffle plus frais de la rivière.