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– Nous arriverons à la Fourche-Rouge aussi vite que ces coquins d’Indiens… Mais le jour va venir ; j’entends là-bas, bien loin, le hibou qui annonce le crépuscule[1]. »

Le hou ! hou ! lugubre et lointain de l’oiseau de nuit retentissait en effet dans les bois et frappa l’oreille des chasseurs.

« En voici d’autres qui se répondent encore plus loin, dit Gayferos ; il paraît y en avoir une bande dans cette direction.

– Ce peuvent être aussi des signaux de reconnaissance, répondit le Canadien, en homme accoutumé à chercher dans toutes les voix de la solitude la véritable signification qu’elles peuvent avoir. Les hiboux sont un peu comme les aigles, ils vivent rarement en communauté. »

Rien n’indiquait cependant que les oiseaux de nuit ne se répondissent pas comme font les coqs d’une métairie à l’autre, et que ces cris mélancoliques fussent des signaux.

En admettant toutefois ce dernier cas, ces signaux indiquaient-ils le ralliement d’amis ou d’ennemis ?

L’explosion d’une carabine, non moins lointaine que les hurlements des hiboux, fit tressaillir les chasseurs, mais sans éclaircir leurs doutes.

« Je ne saurais reconnaître le son de cette arme, dit Bois-Rosé ; en tout cas, l’ennemi est là, et, si c’est la carabine de l’Indien ou celle d’un Apache, peu importe, il n’y a pas deux partis à suivre. »

En achevant de parler, le Canadien, suivi de ses deux compagnons, s’avança rapidement dans la direction où le coup de fusil s’était fait entendre. Ils n’avaient pas marché quelques minutes, qu’ils en comptèrent douze

  1. Nous ignorons si c’est comme ami ou comme ennemi que contrairement aux idées reçues, le hibou annonce le jour ; toujours est-il que le fait est constant.