Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/369

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Canadien, fut pour eux un nouveaux sujet de surprise mais de surprise douloureuse, car ils craignaient que ce ne fussent des ennemis pour leur jeune allié. Tremblants toutefois de le frapper en cherchant à le défendre, ils n’osaient faire usage de leurs carabines.

La lutte à mort qui avait commencé sur la rive avait lieu maintenant dans le sein même du fleuve. Au milieu de l’amas d’arbres dont il était encombré, et qui, ne pouvant franchir l’ouverture trop étroite de la passe fatale, venaient lentement s’échouer l’un après l’autre contre les berges, les plongeurs ne tardèrent pas à revenir au-dessus de l’eau.

La carabine en main, le cœur ému de mille sensations diverses, les deux chasseurs suivaient d’un œil ardent les ombres noires et silencieuses des nageurs. Les uns cherchaient à écarter la masse des branches qui paralysaient leurs mouvements ; les autres gagnaient à force de bras un endroit du fleuve où deux corps, entrelacés dans une étreinte acharnée, paraissaient et disparaissaient tour à tour sous l’impulsion de leurs efforts désespérés.

La surprise des deux chasseurs ne tarda pas à s’accroître, tout en changeant de nature, à l’aspect d’un nouveau personnage. C’était un blanc comme eux, et qui, accourant subitement de l’endroit où il avait été caché jusqu’à ce moment, s’écria en bon espagnol :

« Courage, enfants ! il est là, tenez, le voilà qui revient sur l’eau. »

Et, de la pointe d’une longue rapière qu’il tenait à la main, il indiquait l’endroit du fleuve où les deux guerriers, objets de sa sollicitude, après s’être engloutis sous l’eau bouillonnante, apparaissaient de nouveau toujours enlacés l’un dans l’autre.

« Ah ! demonio, c’est Pedro Diaz, s’écria vivement Pepe.

– Dieu soit loué ! nous sommes en pays de connais-