Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/372

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nativement prendre le sommeil si nécessaire, sans s’arrêter et perdre un temps précieux.

C’était à cet inappréciable avantage que Bois-Rosé devait d’avoir pu marcher le jour et la nuit sur les traces de Fabian et d’avoir ainsi réparé les instants perdus avant d’entreprendre une poursuite qui allait se terminer, selon toute apparence, au prochain coucher du soleil.

Ce fut donc avec un mélange de joie profonde et d’appréhension non moins vive que le Canadien vit briller dans la forêt les premières lueurs de ce soleil qui, à son déclin, allait éclairer une longue et sanglante lutte sans doute, dont la vie de Fabian devait être le prix inestimable.

En suivant le cours de la rivière, dont les flots étincelaient à la clarté du jour, la petite troupe ne mit pas plus d’une demi-heure à refaire la route qui, dans la nuit et avec tous les détours conseillés par la prudence, lui avait coûté près de deux heures.

Le canot fut retrouvé intact dans le lieu où il avait été déposé ; on le remit à l’eau. Deux Indiens, sur chacune des rives du fleuve, prirent les devants en éclaireurs, et les huit combattants restants se placèrent dans le canot de peau de buffles.

Pepe et le Canadien se mirent aux avirons, et la barque glissa de nouveau sur la rivière ; mais, quelques minutes avant d’arriver à l’endroit où elle se rétrécissait et formait la Passe-Étroite, il fallut encore une fois transporter l’embarcation hors de l’eau. Amassés entre les deux berges à pic, les arbres jetés par les Indiens obstruaient le fleuve, dont les eaux grondaient autour de l’obstacle qui arrêtait leur cours.

En arrivant à la Passe-Étroite, les voyageurs purent juger de l’étendue du péril auquel la sagacité du vieux coureur des bois les avait soustraits.

Cerné à l’arrière par la forêt flottante que charriait si-