Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/376

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avait presque épuisé les forces de son cheval à la poursuite des bisons et des cerfs, sans pouvoir en atteindre aucun.

En proie aux angoisses poignantes du besoin, l’aventurier se reposait le soir de ce second jour non loin de la Rivière-Rouge, dont il avait perdu la véritable direction. Plus heureux que son cavalier, qui cherchait en vain quelques fruits sauvages ou des racines pour tromper sa faim, le cheval paissait tranquillement à quelque distance de lui, lorsque Diaz aperçut, à deux ou trois portées de fusil, un animal qu’il prit un instant, d’après sa grosseur, pour quelque bison attardé et séparé de son troupeau.

L’obscurité commençait à couvrir la campagne, et l’aventurier rendait grâces au ciel de l’heureux hasard qui poussait vers lui un des animaux si vainement poursuivis jusqu’alors, quand un grognement terrible le détrompa. Tout à coup, à l’œil effrayé de Diaz, le bison se convertit en un ours gris d’une taille colossale. Par une métamorphose qui n’était que la suite naturelle de la première, le chasseur se trouva à son tour être devenu le gibier que se proposait d’atteindre l’effrayant habitant du désert. L’ours s’avançait vers Diaz, à un trot qui, tout lourd qu’il paraissait, n’en était pas moins fort rapide en réalité.

L’aventurier battit en retraite vers son cheval, attaché à un arbre à l’aide d’une longue et forte longe qu’il cherchait à rompre pour s’enfuir. L’animal était plus effrayé que l’homme.

Avant de se remettre en selle, le Mexicain déchargea sa carabine sur l’ours arrivé tout près de lui. La balle, qui s’aplatit sur son corps velu, ne produisit d’autre effet que celui d’un coup d’éperon dans le flanc d’un cheval, c’est-à-dire qu’elle accéléra l’ardeur de l’ours à poursuivre la proie qu’il convoitait. Diaz n’eut que le temps de s’élancer sur sa monture, après avoir tranché la corde qui