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cain. Après qu’il eut fini de fumer, un des Indiens se leva, s’éloigna de quelques pas, et s’agenouilla sur un endroit du sol qui paraissait récemment fouillé.

Diaz suivait ses mouvements avec un intérêt dont il ne se rendait pas exactement compte. Il vit alors l’Indien creuser la terre avec son couteau. Ce n’était plus une illusion : un parfum embaumé, suave, pénétrant, jaillit du sol entr’ouvert. L’aventurier poussa un hurlement de bête féroce à jeun, au moment où l’Indien tirait de terre un bloc noir comme du cuir calciné, auquel il fit une large entaille ; Diaz faillit s’évanouir à l’aspect d’une montagne de chair odorante, rose et juteuse comme la pulpe incarnate et fondante du melon d’eau, que le sauvage cuisinier déposa par terre dans sa carapace noirâtre.

C’était une bosse de bison que l’Indien venait d’exhumer du four souterrain dans lequel son enveloppe de peau d’abord, puis la terre elle-même, concentraient toute sa substance comme tous ses parfums[1].

En satisfaisant avec délices un besoin si impérieux, Diaz fut mis au courant par les Indiens du but qu’ils se proposaient, c’est-à-dire d’attaquer Main-Rouge et Sang-Mêlé, et dès ce moment il resta en leur compagnie jusqu’à l’escarmouche qui venait d’avoir lieu. Nous terminerons en disant que ce ne fut pas sans un vrai plaisir que Diaz accueillit comme certain, ce qui toutefois n’était que probable, que la patte énorme, velue, armée d’ongles monstrueux, qu’il vit déposée dans un coin du canot, était celle de l’ours gris à qui il était redevable de si terribles sensations.

À l’instant où Diaz finissait son récit, le Comanche fit signe au Canadien et à l’Espagnol de cesser de ramer, et il signala à l’avant du canot une colonne de fumée

  1. Pour le lecteur curieux de savoir en détail ce que c’est qu’une tatemada, lire Les scènes de la vie sauvage au Mexique. 1 vol. Charpentier, éditeur.