Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/381

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qui s’élevait sur le bord de la rivière, au milieu de taillis épais.

« Il n’y a qu’un feu, dit Bois-Rosé en laissant tournoyer le canot au cours de l’eau, et cependant il est prudent d’envoyer les éclaireurs en avant, pour reconnaître le nombre et la qualité de ceux qui reposent auprès de ce foyer. »

Le jeune Comanche donna aux deux Indiens qui suivaient le canot sur la rive droite l’ordre d’aller à la découverte. En attendant, chacun prépara ses armes.

Un peu avant qu’on n’arrivât à l’endroit d’où s’élevait la colonne de fumée, un individu encore invisible s’émut sans doute du bruit des avirons, car on entendit une voix forte s’écrier :

« Wilson !

– Sir ! » cria une seconde voix à peu de distance de la première.

Puis la voix reprit, tandis que les chasseurs se regardaient avec étonnement :

« Vous faites de votre emploi près de moi une sinécure ; n’entendez-vous pas ?

– Un canot ? Il y a une demi-heure que je le vois.

– Très-bien ; dès lors je ne m’en occupe plus, c’est votre affaire. »

Comme l’Anglais, qu’on a reconnu sans aucun doute, achevait ces mots, le canot arrivait en ligne droite vers une petite clairière au milieu de laquelle étaient flegmatiquement couchés, à quelques pas l’un de l’autre, nos singuliers personnages, l’Anglais et son garde du corps. Non loin d’eux, l’avant-train d’un chevreuil était suspendu à un petit arbre, et, devant un brasier ardent, une des cuisses de l’animal pétillait en rôtissant au-dessus des charbons.

À l’extrémité de la clairière, trois chevaux paissaient l’herbe touffue qu’entretenait l’humidité du fleuve. Sir Frederick dessinait tranquillement, tandis que, près du