Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/411

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Tout à coup derrière les cavaliers des rugissements semblables à ceux qu’avait poussés le trappeur pour effrayer les castors se firent entendre au milieu des arbres. La stupéfaction causée par cet accident inattendu se changea rapidement en une terreur profonde.

Le métis, qui, nous n’avons pas besoin de le dire, était le faux trappeur, répondit par un rugissement semblable, et son couteau se plongea jusqu’au manche dans le dos du malheureux Francisco, que la main de fer de Sang-Mêlé arracha de la selle, où il s’affermit lui-même ; tandis que le domestique tombait à l’eau la tête la première.

Le métis jeta par-derrière lui sa carabine dans les hautes herbes de la rive ; d’une main il saisit la bride du cheval à côté du sien, le fit cabrer, et, au moment où le second domestique vidait les arçons, le bras du métis le frappa à mort et le fit rouler près de son camarade.

Tout cela s’était si rapidement exécuté, que le sénateur et l’hacendero n’avaient pas eu le temps de se mettre sur la défensive, et déjà les huit Indiens, avertis par le signal de Sang-Mêlé, s’étaient précipités sur eux, les avaient jetés à bas de cheval et emportés dans les hautes herbes qui couvraient la rive.

Le troisième domestique seul, à l’aspect des sauvages maîtres du bord du fleuve, avait poussé son cheval au milieu du courant qui l’entraînait, car le gué était bien loin de là, lorsqu’à la voix du métis, un coup de feu sorti des buissons de la rive opposée le culbuta dans la rivière.

Quant à Rosarita, au moment où un Indien se jetait à la nage pour s’emparer du cheval sans cavalier, la malheureuse enfant, plus pâle que la fleur des nymphéas du Lac-aux-Bisons, l’œil hagard, la bouche entr’ouverte comme celle d’une statue d’albâtre, sans qu’aucun cri pût s’échapper de son sein oppressé, tomba de cheval, entraînée dans les bras du faux trappeur.