Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle n’eut pour la première fois, au milieu de ces terribles événements, la conscience du sort qui lui était réservé, qu’à l’aspect des yeux enflammés du métis, qu’à l’odieux contact des bras qui se refermèrent avidement sur elle. Alors elle poussa un cri déchirant et ferma les yeux presque évanouie.

Cependant, au milieu de cette rapide transition entre la vie et l’insensibilité, elle crut entendre un autre cri d’angoisse ; l’air lui apporta comme les dernières syllabes de son nom. Cette voix n’était pas celle de son père ; c’était le son d’une voix bien connue et surtout bien chère, qui retentit à ses oreilles l’espace d’une seconde, comme l’écho d’un monde lointain.

« Merci, mon Dieu, murmura-t-elle au plus profond de son cœur avec la rapidité de la pensée ; vous avez voulu que ce fût sa voix que j’entendisse la dernière en ce monde… »

L’insensibilité complète du corps éteignit bientôt jusqu’à la pensée chez Rosarita.

Le cri, en effet, avait été jeté de l’autre côté du fleuve, où le vieux renégat et un Indien gardaient à vue le malheureux Fabian.



CHAPITRE XXXI

UN MOMENT CRITIQUE.


Étroitement garrottés comme Fabian, qui n’était séparé d’eux que par la largeur du fleuve, les deux captifs étaient à peine transportés au milieu des herbes touffues où le métis venait de déposer près de son père Rosarita, toujours évanouie, qu’un des Indiens signala en amont du fleuve un large nuage de poussière.