Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/417

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qu’une seconde défaillance succédât à la première.

« Paix, l’ami ! dit froidement le métis à don Augustin ; soyez sans crainte pour votre vie : quelques sacs de piastres, une centaine de chevaux, vous rachèteront de mes mains. Quant à la Colombe-du-Lac, elle sera d’abord la femme d’un brave guerrier ; puis, plus tard, nous verrons à fixer le prix de sa rançon. J’ai ouï dire que les femmes blanches sont si rebelles d’ordinaire aux volontés de leurs maris, qu’on est bien aise de s’en défaire après un certain temps ; même pour rien. »

Puis, sans daigner faire plus attention aux malédictions de l’impétueux don Augustin qu’aux supplications du sénateur, le métis contempla d’un œil indifférent les apprêts du supplice de Fabian.

Comme quelques jours auparavant, lorsque don Antonio de Mediana, dont les minutes étaient comptées, voyait l’ombre projetée par le poignard de Fabian décroître petit à petit, ainsi aujourd’hui chaque progrès que le soleil faisait vers l’occident marquait un moment de moins dans l’existence de Fabian. Dieu devait-il appliquer au juge du seigneur espagnol la peine du talion dans toute sa rigueur ? On pouvait le craindre ; car dans les courts instants de silence, nulle rumeur lointaine ne se mêlait aux soupirs des roseaux du fleuve ; aucun nuage de poussière à l’horizon, aucun bruit d’avirons battant l’eau sous les efforts de ses amis, n’annonçaient leur venue. Quelques moments de plus, et ceux qui depuis deux jours et deux nuits suivaient sa trace n’allaient plus avoir qu’à venger sa mort.

Une poignée d’herbes sèches avait enflammé quelques branches mortes du saule ; des fascines apportées par les Indiens avaient achevé d’allumer les brasiers. Les terribles préparatifs du supplice étaient terminés ; à l’horizon, toujours même silence, toujours même immobilité, hors le courlis qui errait en volant à tire-d’ailes au-dessus des lagunes, hors le retentissement loin-