Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/418

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tain de l’eau fouettée par les castors plongeant dans leurs marais éloignés.

« Le moment est-il venu maintenant ? demanda le métis à l’Oiseau-Noir.

– Mes guerriers n’attendent plus que le captif, répondit le chef indien.

– Il sera fait selon les volontés de mon frère. »

Le métis donna l’ordre de remettre la pirogue à l’eau pour aller chercher Fabian et ramener ses deux gardiens.

« Ah ! c’est ma foi bien heureux, s’écria de l’autre côté de la rivière, où il avait vu les apprêts du spectacle indien, le vieux Main-Rouge en montrant sa haute taille au-dessus des buissons ; ce rôle de chien de garde commençait à me fatiguer horriblement. »

Le renégat, en disant ces mots avec un bâillement d’ennui, étirait ses membres décharnés.

« Allons, mon brave, reprit-il en se baissant, vous devez être aussi las que moi de toutes ces longueurs, de par tous les diables de l’enfer ! »

Un instant après, on vit le corps de Fabian, soulevé dans les bras robustes de l’Américain, se dresser à son tour au-dessus du feuillage.

« Tenez-vous bien là… C’est cela, dit l’impitoyable vieillard, tandis que le prisonnier, dont les liens engourdissaient les membres, faisait un effort pour maintenir son équilibre et se tenir droit et ferme, comme un guerrier jaloux d’attendre debout le moment suprême. Maintenant, continua le vieux pirate, si vous voulez chanter quelque chose pour vous distraire, libre à vous. »

La pâle figure de Fabian, dont l’œil brillait encore, sans que l’approche d’une mort affreuse en eût éteint l’éclat, ne se montra qu’un instant. Chancelant sur ses jambes gonflées, privé du secours de ses bras, le corps du prisonnier s’affaissa et retomba derrière les buissons.