Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/432

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cinas, et le lancer dans ces fourrés, c’est l’exposer à y laisser sa peau ; mais, à tout prendre, c’est, comme vous dites, la vie d’un chrétien à troquer contre la sienne. »

À ces mots, le chasseur de bisons déliait le nœud qui s’attachait au collier d’Oso.

« Pille, Oso, pille, mon brave ! » continua Encinas en faisant de nouveau flairer au chien le chapeau de Fabian ; puis il le lâcha.

Le vaillant dogue sembla, cette fois encore, comprendre la volonté de son maître, qui comptait plus encore sur son instinct que sur sa bravoure, et, au lieu de s’élancer en aboyant avec fureur, il s’élança silencieusement à travers les buissons.

« Nous le suivrons, Pepe, s’écria le Canadien ; il ne sera pas dit qu’un animal sera moins prudent qu’un père qui cherche son fils et qu’un ami qui cherche son ami. »

L’Espagnol ne se le fit pas répéter, et les deux chasseurs se mirent avec précaution à la piste du chien. Mais Oso sembla bientôt et évidemment en défaut. Il quêtait en vain dans les touffes d’herbes des émanations semblables à celles qu’il venait de flairer, et les deux chasseurs le virent tout à coup de loin faire un détour et sortir du fourré où il s’était engagé.

« Croyez-vous qu’il ait compris ce qu’on attend de lui ? demanda le Canadien bas à Pepe.

– Sans doute ; ce n’est certainement pas de ce côté que Fabian est entré dans le bois avec les Indiens, et le dogue va tout naturellement remonter à l’origine de la piste qu’il suit. »

Le chien quittait brusquement, en effet, la lisière du bois de cotonniers, et les deux chasseurs le virent retourner dans la direction du bouquet de saules sous lesquels ils avaient déjà trouvé les traces de Fabian. Tous deux suivirent Oso le plus rapidement possible sans s’inquiéter de se faire voir, et, en débouchant dans