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bian. Deux fois il ajusta l’Indien ; mais deux fois un nuage épais s’étendit sur ses yeux, et sa carabine tremblait dans sa main, comme une des longues tiges d’herbe des Prairies battues par le vent.

L’Oiseau-Noir se courba lentement ; un couteau brillait dans sa main gauche, près de la tête de Fabian. Alors, à ce moment suprême, la main de Bois-Rosé cessa de trembler, quand une explosion soudaine le fit tressaillir. L’Oiseau-Noir, le crâne fracassé, tomba lourdement sur Fabian, qu’il couvrit de son corps inanimé, et une voix s’écriait en même temps :

« Voilà mon dernier mot, chien à peau rouge ! »

C’était la voix de Pepe.

Un second coup de feu jeta par terre un autre Indien. Cette fois c’était la carabine de Bois-Rosé qui grondait.

Tout à coup, comme un torrent qui se précipite à la saison des pluies dans le lit qu’il a laissé à sec la saison précédente, les Apaches s’élancèrent à cheval par l’issue du ravin. La clairière, les bords de l’Étang-des-Castors étaient presque vides, lorsque Pepe et Bois-Rosé s’y élancèrent la carabine à la main, la poitrine gonflée et tout haletants, sans voir que, du côté opposé à celui par où ils venaient d’entrer, Main-Rouge, portant dans ses bras Rosarita évanouie de nouveau, et suivi de Sang-Mêlé, disparaissait dans l’épaisseur des bois.

Le perfide métis abandonnait ses alliés aux chances du combat et mettait sa proie en sûreté. Mais les deux chasseurs ne voyaient que Fabian. S’élancer vers lui, couper d’une main tremblante et rapide à la fois les liens qui meurtrissaient ses membres, fut pour eux l’affaire d’un instant ; puis sans voix, l’âme oppressée d’une joie foudroyante, le pauvre Canadien ne put que presser dans ses bras et dévorer de caresses muettes le jeune lionceau rendu enfin au vieux lion du désert.

Appuyé sur sa carabine, le chasseur espagnol contem-