Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/445

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plait ce groupe heureux, n’osant proférer une parole, de crainte d’éclater en sanglots, sans pouvoir toutefois retenir les larmes qui inondaient ses joues hâlées.

Cependant de deux côtés de la clairière, de celui par où les deux pirates des Prairies venaient de disparaître, et de la partie opposée d’où s’étaient élancés les Indiens, un formidable tumulte se faisait entendre. Bientôt, comme un torrent qui, arrêté dans sa course par une digue qu’il ne peut franchir, reflue sur lui-même, le ravin revomit tout à coup dans la clairière le flot sauvage qu’il avait emporté.

Encinas s’était fidèlement acquitté de sa commission, et les vingt vaqueros de don Augustin, l’hacendero lui-même à leur tête, venaient de surprendre les Apaches dans le chemin creux et les refoulaient en désordre jusqu’à leur retranchement abandonné.

Des voyageurs qui se sont aventurés dans un repaire de lions en l’absence de ses terribles hôtes, et qui tout à coup se trouvent surpris par leur retour, pourraient seuls comprendre à quelles sensations tumultueuses durent être en proie les deux chasseurs et Fabian, à la vue des cavaliers indiens poussant des hurlements affreux en envahissant de nouveau la clairière.

Mais ce danger, quelque terrible qu’il fût, n’était pas de nature à ébranler pour plus d’un seul instant le courage des trois compagnons d’armes. Le Canadien avait reconquis son enfant ; pour lui c’était tout : enlevant Fabian dans ses bras, il s’élança derrière le retranchement, et Pepe s’y jeta également ; là, tous deux rechargèrent précipitamment leurs armes, et, résolus à mourir cette fois au moins tous les trois ensemble, ils attendirent l’attaque de l’ennemi.

Toutefois l’aspect des choses ne tarda pas à changer. Au tumulte de la retraite des Indiens succédèrent bientôt des décharges d’armes à feu, et une demi-douzaine de cavaliers qui arrivaient en désordre, repoussés par