Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/46

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Fabian baissa un instant vers la terre ses yeux qui lançaient des éclairs, puis il les releva, calmes et froids sur le miquelet dont le tour était venu de parler. Fabian était monté à la hauteur de son terrible rôle, et dans la contenance, l’attitude de ce jeune homme en haillons, revivait toute la noblesse d’une race antique, avec toute l’impassibilité du juge. Il jeta sur Pepe un regard plein d’une autorité que le sauvage chasseur ne put s’empêcher de subir.

Le miquelet se leva, s’avança de deux pas. Son visage ne laissait plus lire aussi que la résolution ferme de ne parler que selon sa conscience.

« Je vous comprends, comte de Mediana, dit-il, en s’adressant à Fabian, qui seul à ses yeux avait le droit de porter ce titre ; j’oublierai que l’homme ici présent m’a fait passer de longues années parmi le rebut des hommes dans un préside. Dieu, quand je comparaîtrai devant lui, pourra me répéter les paroles que je vais proférer ; je les entendrai et je ne me repentirai pas de les avoir prononcées. »

Fabian fit un geste d’assentiment.

« Par une nuit de novembre 1808, dit-il, j’étais alors carabinier ou miquelet royal au service d’Espagne ; j’étais de garde sur la côte d’Elanchovi ; trois hommes venant du large prirent terre sur le bord de la mer.

– Le chef qui nous commandait avait vendu à l’un d’eux le droit d’aborder sur une côte interdite.

« J’ai à me reprocher d’avoir été le complice de cet homme ; je reçus de lui le prix de ma coupable faiblesse.

« Le lendemain, la comtesse de Mediana et son jeune fils avaient quitté de nuit leur château.

« La comtesse fut assassinée ; le jeune comte ne reparut plus.

« Peu de temps après, l’oncle de l’enfant se présenta ; il réclama les biens et les titres de son neveu : tout lui fut