Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/478

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plus rêver du passé pour accepter un avenir sur lequel elle n’osait porter ses regards.

Quand l’étranger se fut assis à son tour :

« Merci, mon ami, lui dit l’hacendero, d’être venu jusqu’ici m’apporter des nouvelles, quoiqu’on m’ait fait pressentir qu’elles doivent être bien tristes ; mais nous devons les savoir toutes. Que la volonté de Dieu soit bénie !

– Elles sont tristes, en effet ; mais, comme vous le dites, il est important (et l’inconnu, en appuyant sur ces dernières paroles, parut s’adresser plus particulièrement à doña Rosario), il est important, répéta-t-il, que vous n’en ignoriez aucune. J’ai vu bien des choses là-bas, et le désert ne cache peut-être pas autant de secrets qu’on pourrait croire. »

La jeune fille tressaillit imperceptiblement et fixa sur l’Homme-au-Mouchoir-Rouge un regard clair et profond.

« Parlez, mon ami, lui dit-elle de sa voix mélodieuse, nous aurons le courage de tout entendre.

– Que savez-vous de don Estévan ? reprit l’hacendero.

– Il est mort, seigneur cavalier. »

Don Augustin poussa un soupir de douleur et appuya sa tête dans ses mains.

« Qui l’a tué ? demanda-t-il.

– Je ne sais, mais il est mort.

– Et Pedro Diaz, cet homme au cœur désintéressé ?

– Mort comme don Estévan.

– Et ses amis, Cuchillo, Oroche et Baraja ?

– Morts comme don Pedro Diaz, tous morts, excepté… Mais si vous le trouvez bon, seigneur, je reprendrai les choses d’un peu plus loin : ne vous ai-je pas dit que vous deviez tout savoir ?…

– Nous vous écoutons, mon ami.

– Je ne vous ferai pas le récit, reprit le narrateur, des dangers de toute espèce, des combats que nous eûmes à braver depuis notre départ. Sous un chef qui nous