Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/488

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rita : si jeune encore et mener cette vie de périls incessants ! Pauvre père aussi, qui doit sans cesse trembler pour les jours d’un fils bien-aimé !

– Bien-aimé, comme vous dites, madame, reprit le conteur. Pendant six mois j’ai pu voir à chaque instant la tendresse infinie de ce terrible père pour son enfant.

« Le jeune homme reposait tranquillement, et sa bouche murmurait faiblement un nom, celui d’une femme, le même qu’il m’avait naguère révélé pendant son sommeil.

Les yeux noirs de Rosarita semblaient interroger le conteur ; mais la parole expira sur ses lèvres entr’ouvertes, elle n’osa dire ce que son cœur murmurait à ses oreilles.

« Mais j’abuse de vos moments, continua Gayferos sans paraître remarquer le trouble de la jeune fille ; j’arrive à la fin de mon récit.

« Le jeune homme s’éveillait à l’instant où le jour commençait à paraître. « Tenez, me dit le géant, allez là-bas, et vous compterez les morts que ces chiens nous ont laissés. »

« Onze cadavres, reprit le gambusino, étendus sur le sol, et deux chevaux capturés attestaient la victoire de ces intrépides tueurs d’Indiens.

– Honneur soit rendu à ces redoutables inconnus ! » s’écria don Augustin avec enthousiasme, tandis que sa fille, en frappant l’une contre l’autre ses deux petites mains, s’écriait à son tour, les joues enflammées, l’œil brillant d’un enthousiasme égal à celui de son père : « C’est beau ! c’est sublime ! si jeune et si brave ! »

Rosarita n’adressait ces éloges qu’au jeune inconnu, dont peut-être le sens exquis des femmes, qui semble parfois être une seconde vue, lui révélait le nom ignoré. Le narrateur semblait jouir des louanges données à ses amis.

« Mais enfin vous apprîtes leur nom ? demanda timidement doña Rosarita.