Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/494

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j’ignorais qu’il m’aimât encore, et cependant… jugez si moi je vous aime, mon père… jugez quel douloureux sacrifice je faisais à ma tendresse pour vous… Je savais bien… »

En disant ces paroles, l’œil armé de toute la fascination de son doux regard, voilé par ses larmes, la pauvre fille s’approchait insensiblement, puis elle s’élança tout à coup et, appuyant sa tête sur l’épaule de son père pour cacher la rougeur de son visage :

« Je savais cependant que je l’aimais toujours, murmura-t-elle tout bas.

– Mais de qui veux-tu parler ?

– De Tiburcio Arellanos, du comte Fabian de Mediana, qui ne sont qu’une seule et même personne.

– Du comte de Mediana ? répétait don Augustin.

– Oui ! mais, s’écria passionnément Rosarita, je n’aime encore en lui que Tiburcio Arellanos, tout noble, tout puissant, tout riche que puisse être aujourd’hui Fabian de Mediana. »

Noble, puissant et riche, sont des mots qui sonnent toujours bien à l’oreille d’un père ambitieux, quand ils s’appliquent à un jeune homme qu’il aime et qu’il estime, mais qu’il croit pauvre. Tuburcio Arellanos n’aurait obtenu de don Augustin qu’un refus, tempéré il est vrai par des paroles affectueuses ; mais aujourd’hui Fabian de Mediana n’avait-il pas bien des chances en sa faveur ?

« Me diras-tu comment Tiburcio Arellanos peut être Fabian de Mediana ? demanda don Augustin avec plus de curiosité que de colère ; qui t’a donné cette nouvelle ?

– Vous n’êtes pas resté jusqu’à la fin du récit du gambusino, répondit doña Rosarita ; sans cela vous auriez su que ce jeune compagnon des deux intrépides chasseurs, dont il a noblement partagé les dangers, n’était autre que Tiburcio Arellanos, devenu aujour-