Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/68

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Laquelle ? J’en dis beaucoup et des meilleures : la philosophie est mon fort. »

Pepe, d’un côté de la haie du val d’Or, appuyé sur sa carabine, dans une pose superbe de nonchalance, avec le sang-froid le plus imperturbable, et Cuchillo, dont la tête dépassait, de l’autre côté, la verte enceinte du petit vallon, avaient l’air de deux voisins de campagne conversant familièrement ensemble.

Personne, à les voir ainsi tous deux, n’eût soupçonné le terrible dénoûment de ce pacifique entretien.

L’ex-carabinier laissait voir sur sa figure un très-gracieux sourire.

« Je le disais bien, répondit-il. « À quoi tient, » avez-vous dit, « la destinée humaine ? Il y a vingt ans, ma vie n’a tenu qu’à l’absence d’un arbre. »

– C’est vrai, répondit Cuchillo d’un ton distrait ; j’ai longtemps préféré les arbustes, mais depuis je me suis réconcilié avec les plus grands arbres.

– Je le disais bien.

– Et puis, c’est encore une de mes maximes favorites, l’homme sage doit passer par-dessus bien de petits inconvénients.

– Je le disais bien. Et à ce propos, ajouta négligemment Pepe, il y a là haut sur cette colline escarpée deux magnifiques sapins qui se penchent sur l’abîme, et qui vous auraient causé, il y a quelque vingt ans, de bien sérieuses inquiétudes.

– Je ne dis pas non ; mais aujourd’hui je m’en soucie comme d’une touffe d’oréganos.

– Je le disais bien.

– Je le disais bien, répéta Cuchillo avec quelque impatience. Ah çà, vous me faisiez donc l’honneur de parler de moi ? Et à quel propos ?

– Oh ! une simple remarque. Nous avions, mes deux amis et moi, quelques raisons de soupçonner que près de ces montagnes se trouvait un certain val d’Or : mais,