Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je vous le répète, dit-il à voix basse, le hasard seul m’a fait connaître ce placer ; mais je ne veux pas être égoïste, et mon intention est de vous laisser prendre votre part. Écoutez, continua-t-il, il y a dans un endroit un bloc d’or d’une inestimable valeur : entre honnêtes gens on est fait pour s’entendre, et ce bloc sera pour vous. Ah ! votre lot sera plus beau que le mien.

– Je l’espère, dit Pepe ! et dans quel endroit m’avez-vous réservé ma part ?

– Là-haut, dit Cuchillo, en montrant le sommet de la pyramide.

– Là-haut ? près de ces sapins ? Ah ! seigneur Cuchillo, que je suis donc heureux que vous n’ayez pas pris à mal une sotte plaisanterie, et que ces arbres ne vous inspirent pas plus de souci qu’une touffe d’oréganos ! Entre nous soit dit, don Tiburcio, que vous voyez si absorbé en apparence, ne regrette réellement que l’énorme salaire qu’il vous a donné pour une besogne qu’il aurait faite aussi bien lui-même.

– Un énorme salaire ; c’était bien le plus juste prix, et à moins j’y aurais perdu, s’écria Cuchillo en recouvrant son impudence habituelle à l’aspect du changement qui s’était opéré dans les manières et le ton de l’ex-carabinier.

– D’accord, reprit celui-ci ; mais enfin il pourrait se repentir du marché, et je dois convenir que, s’il me donnait l’ordre de vous brûler la cervelle pour se défaire de vous, je serais obligé de lui obéir. Permettez-moi donc de l’appeler avec nous pour le rassurer, ou mieux encore, venez me montrer le lot que votre munificence m’a destiné. Après quoi, nous tirerons chacun de notre côté, et, quoi que vous en disiez, la part qui vous reviendra dépassera toutes vos prévisions.

– Marchons donc, » reprit Cuchillo, heureux de voir se terminer aussi avantageusement pour lui une négociation dont le résultat commençait à l’inquiéter sérieuse-