Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/92

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que de mourir pour lui, » continua le chasseur avec amertume.

Puis, voyant que Fabian se taisait encore, et se méprenait peut-être sur son silence, il s’écria, au risque de voir se dissiper sa plus chère, sa dernière illusion : « Fabian, mon enfant, est-ce là tout ce que vous avez à me dire ? »

Au moment où Fabian allait répondre, les bruits lointains qui grondaient sous la brume des collines semblèrent trouver dans la plaine un écho plus distinct. Ces bruits se faisaient entendre à des intervalles inégaux, comme ceux d’une fusillade, et dans le silence imposant de la nuit chaque retentissement semblait annoncer la terrible agonie ou la mort de quelques créatures humaines. Oubliant un instant ses préoccupations pour prêter une oreille attentive, le chasseur fit signe de la main à Fabian d’ajourner sa réponse.

Au même instant l’ex-carabinier se dressa sur ses pieds et s’approcha de Bois-Rosé.

« Voilà, dit-il, les mêmes bruits que nous avons entendus la nuit dernière ; mais écoutez… les feux s’éparpillent dans la plaine. Ah ! les malheureux n’ont plus l’abri de leur camp, les retranchements ont probablement été forcés ; alors à chaque coup ce doit être un homme qui tombe, et les Apaches vont faire collection de chevelures ! Malheur à nous si les Indiens les exterminent tous ; car, jusqu’à présent, le voisinage de l’expédition a fait notre salut. Nous sommes restés une nuit de trop ici, Bois-Rosé. »

Les trois amis écoutèrent de nouveau en gardant un profond silence. Comme l’avait dit Pepe, toute l’attention des hordes indiennes s’était concentrée sur la troupe des aventuriers, et c’était grâce à cette diversion que trois hommes isolés avaient pu pénétrer si avant dans le désert. Ce n’était pas du reste, on l’a déjà dit, la seule expédition aussi hasardeuse que le chasseur canadien et