Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/190

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garde et sans coquille, dont la lame nue et tranchante étincelait au soleil. Ses pieds, sans chaussures, n’appuyaient que du bout de l’orteil sur l’étrier de bois. Le Jarocho, la tête indolemment penchée sur une épaule, gardait à cheval l’attitude particulière a ceux de sa caste, dont il avait la tournure dégagée et le maintien chevaleresque. Sa peau était d’une couleur foncée qui tenait le milieu entre celle du nègre et celle de l’Indien. Enfin sa barbe touffue décelait l’origine orientale de sa race. Il était plus difficile de préciser la condition de l’autre cavalier, vêtu d’une veste d’indienne, d’un pantalon blanc, de brodequins de cuir de Cordoue, et qu’un riche chapeau de paille garantissait des rayons du soleil. Sa figure, passablement rébarbative, pouvait convenir aussi bien à un négociant ou à un maquignon qu’à un voleur de grand chemin, et le cheval de luxe qu’il montait pouvait confirmer cette triple supposition.

Deux joueurs, en quelque endroit qu’ils se trouvent, sont toujours un agréable spectacle pour les Mexicains de toutes les classes, et, à mon grand déplaisir, les deux cavaliers firent mine de s’arrêter devant nous. Je restai immobile, mes cartes à la main, et assez confus d’être surpris dans une occupation si étrangère à mes habitudes. Cependant, comme il n’y avait pas d’enjeu visible, je me flat-