Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/269

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— Soit, repris Ventura, continuons, et à la grâce de Dieu !

Un morne silence se rétablit parmi nous après cette exclamation du pilote. Pour moi, connaissant désormais quels dangers nous avions à courir, je m’assis à l’avant du canot pour distinguer, s’il était possible, les embûches dont nous étions menacés ; mais l’obscurité de la nuit eût mis en défaut des yeux plus perçants que les miens. La voûte des arbres versait une ombre épaisse sur le lit de la rivière ; parfois cependant une bouffée de vent secouait dans l’eau, comme une pluie d’étincelles, des essaims de vers luisants arrachés aux feuilles qui les abritaient. Nulle étoile ne brillait au ciel à travers le feuillage. Un quart d’heure s’était écoulé sans que rien vînt justifier les soupçons du pilote, quand Calros laissa reposer la rame quelques instants pour reprendre haleine : le canot ; dérivant par la force du courant, se mit aussitôt en travers sur la rivière.

— Maintenez la barque en ligne droite avec le fil de l’eau, s’écria vivement le pilote ; en supposant que les hommes n’y soient pour rien, le vent peut avoir déraciné quelque arbre mort, et le choc, en nous prenant le flanc, nous ferait chavirer infailliblement ; en présentant la proue, nous pouvons du moins échapper à ce danger. C’en est un d’au-