Page:Gabriel de Lautrec - Poemes en prose.djvu/186

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tions profondes et des visages noirs d’effroi. Le corps avait été embaumé puis réduit en cendres suivant les ordres du défunt. Mais au moment de l’embaumement, le pharmacien avait pu se procurer les entrailles du mort. Tout le reste avait disparu. « Voyez-vous ce bocal vert dans la devanture, près de la porte. Les tripes dont je vous parlais tout à l’heure ont été mises dans l’eau-de-vie. Ce spectacle me rappelle la fragilité de notre nature, et je songe, avec un certain ennui, qu’un jour je mourrai, quoique pharmacien. »

Il désignait du doigt le bocal. Tous les yeux se portèrent sur les entrailles, et j’eus la sensation effroyable que c’était moi qu’on regardait.

À ce moment-là, sans doute, mon âme bouleversée par la houle de ses hallucinations, dut faire surgir des replis informes de cette chair qui l’emprisonnait, deux yeux au regard cerné d’épouvante, car un des assistants remarqua :

« Le miroitement du liquide met dans le bocal des reflets bizarres ; on dirait vraiment que ces tripes ont les yeux fixés sur nous. »