Page:Gagne - L’Anémone du Colisée, 1865.djvu/4

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Pendant de longues nuits et des jours sans soleil
Les radieux bonheurs qui n’ont pas de réveil.
Ah ! les cris étouffés d’une âme révoltée,
Ardente, au gré du sort sans cesse ballottée,
Ne sont-ils pas, hélas ! plus terribles cent fois.
Que du lion vainqueur la rugissante voix !

Entr’ouvrant tout à fait sa timide corolle,
La virginale fleur prit bien bas la parole,
Et dit, d’un accent grave et doux en même temps :
« Le martyre a changé de forme avec les temps ;
Mais il n’a rien perdu de sa beauté suprême,
Car du christianisme il est l’essence même.
Lorsqu’à l’homme pécheur la loi de Jésus-Christ
Commanda d’immoler sa chair à son esprit,
Descendant aussitôt des hauteurs du Calvaire,
Le martyre en ce monde inaugura son ère.
Cette immolation, chacun de vous, hélas !
Ne saurait l’accomplir sans de rudes combats.
Le temps où les chrétiens faisaient des catacombes
Et des cirques sanglants leurs glorieuses tombes
N’est plus ; mais si du corps le martyre a cessé,
Celui du cœur, plus grand encor, l’a remplacé.
Votre époque est l’époque aux luttes douloureuses,
Sans trêve ni repos, ardentes et fiévreuses,
S’agitant sur un sol où l’impiété bout ;
Elle appartient encore, elle appartient surtout,
Par les liens sacrés d’une foi persistante,
À l’Église terrestre, active et militante ;
Car les temps, par saint Paul, à vos pères prédits,
Ne vous y trompez pas, sont loin d’être accomplis !
C’est parce qu’ici-bas vous combattez encore,
Parce que le vautour des douleurs vous dévore,
Que le vieux Colisée a ce charme étonnant,
Étrange irrésistible, amer, passionnant,