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Page:Gagnebin - Petite Nell, 1902.djvu/108

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loin, et les méchantes langues n’auront plus qu’à se taire.

Petite Nell était descendue tout tranquillement les degrés de la cuisine de tante Olympe, mais dès qu’elle avait été hors de vue, elle s’était mise à courir et n’avait ralenti le pas que pour traverser le jardin et monter dans sa petite chambre, où elle arriva hors d’haleine.

Oh ! les méchantes langues, comme elles font mal, comme elles déchirent le cœur en vous ouvrant les yeux !

Non, elle ne pouvait pas écrire, pas en ce moment ; elle repoussa sa chaise, referma son buvard et se mit à marcher pour calmer son agitation.

— Mon Dieu, est-ce que ce n’est pas permis, est-ce que c’est mal d’aimer ? D’aimer ce qui est bon, noble, généreux ? Pourtant, elle avait toujours cru… c’est-à-dire, non, elle n’avait rien cru du tout, puisqu’elle ne s’était jamais dit, jamais demandé si c’était permis ou non… Oh ! si tante Olympe avait pu se douter que l’on disait vrai, qu’elle n’avait pas le courage de partir, de les quitter, qu’elle les aimait, oui, tous les deux, de tout son cœur, de toutes ses forces, comme elle n’avait jamais aimé ; mais elle n’avait pas su que ce n’était pas permis, elle avait toujours cru qu’on pouvait, qu’on devait aimer ceux qui sont bons.

À présent, il fallait descendre, pour dire à sœur Hélène… qu’elle allait partir.

Mais, au moment d’ouvrir la porte de la salle à manger, le courage lui manqua.