Page:Gagnebin - Petite Nell, 1902.djvu/11

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étudiant retrouvait peu à peu cette humeur égale et joyeuse qui avait toujours fait le bonheur de sa mère.

Quant à Petite Nell, qu’aucun devoir n’obligeait plus à quitter la maison, elle passait ses journées dans une inaction qui désespérait tante Olympe, qui ne comprenait pas qu’on pût rester des heures les mains inoccupées et le regard perdu dans le vague.

— C’est une drôle d’enfant, pensait-elle, je ne la comprends pas tout à fait. Et, comme elle n’avait jamais été forte pour les énigmes, elle ne cherchait pas à deviner celle-là.

Pendant ce temps, et peut-être pour échapper aux regards scrutateurs de sa tante, Petite Nell se glissait furtivement dans la jolie pièce, que remplissaient seuls, maintenant, les rayons du soleil. Et là, en face de ce lit vide, recouvert de blanc, en face de cette chaise longue, de ces oreillers qui gardaient encore l’empreinte de la tête chérie, elle s’abîmait dans ses souvenirs.

Elle revoyait cette douce figure, toute blanche, ces beaux yeux, si tendrement inquiets, ces lèvres pâlies, qui souriaient encore, malgré la souffrance ; et, soudain, saisie d’un désir insensé de la presser encore une fois sur son cœur, elle se jetait sur le divan et serrait d’une étreinte passionnée l’oreiller où elle s’était reposée et éclatait en cris et en sanglots, dont rien ne peut rendre l’amertume et la violence.

Mais tante Olympe, qui ne voyait pas ses accès de désespoir, ne comprenait rien à cette douleur muette et tranquille. Elle se sentait gauche, intimidée devant cette silencieuse enfant qu’elle n’osait ni gronder, ni encourager, et elle aurait donné beaucoup,