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point, lui qui non-seulement paye plus d’impôts à proportion que les riches, mais encore est seul, sous les rois, à payer cet horrible impôt du sang ?

En cet instant, je me sentis frapper sur l’épaule et j’entendis ces paroles :

— Tu as raison, Caboche.

Je me retournai. Je vis la voisine de Moutonnet qui était venue servir à table. C’était une femme de cinquante ans, à l’œil sombre, énergique, aux rides déjà profondes creusées par la souffrance et le dur labeur. Elle portait le deuil.

— Hélas oui, ma pauvre Françoise, j’ai raison ; mais il est trop tard pour toi et pour tes fils ; si l’on n’avait pas voté ce oui, qui accordait à l’un de ces malfaiteurs couronnés le droit de décider la guerre, tu aurais encore tes deux enfants.

— Ah ! le scélérat ! fit-elle avec un geste de menace.

Elle soupira et essuya une larme du coin de son tablier.

Cette larme et ce cri de douleur maternelle firent plus d’effet sur l’auditoire que tous mes discours. Le curé lui-même baissa le nez dans son assiette. Je profitai de ce silence pour continuer.

— Donc, vous le voyez, monsieur Maujars, la royauté, ce n’est ni la stabilité ni la paix ; c’est, au contraire, une source de guerres et de révolutions ; tandis que devant la majesté de la République, de-