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Il s’arrêta un instant sur le seuil de la porte.

Il portait encore à sa boutonnière la médaille de Sainte-Hélène.

Il se tenait raide comme une baïonnette, et frappait avec son bâton des coups secs sur le plancher.

Ses grandes moustaches blanches descendaient jusque sur sa poitrine.

Il était pâle et son œil terne paraissait blanc.

On eût dit un revenant de la grande armée.

— Venez, venez, père Sergent, s’écria en le voyant le père Mathurin, venez trinquer avec nous et boire à la santé de notre empereur.

Le père Sergent s’avança.

Arrivé au milieu de la salle à manger, il s’arrêta, regarda tout le monde, frappa encore le plancher de son bâton et lentement il dit :

— L’empereur, il est mort et bien mort. Tu avais raison, Caboche, celui qui a pris son nom était un intrigant, un aventurier. Mais il n’y a plus de Bonaparte. À présent, je suis républicain comme toi, Caboche.

Pour dire ces paroles, le père Sergent, qui était bien le vieux grognard le plus têtu du pays, avait dû faire un si grand effort que maintenant il ne pouvait quasi plus se tenir sur ses jambes.

Moi, je me sentais fort ému du grand