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Page:Gagneur - Jean Caboche à ses amis paysans.pdf/33

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à mon fusil. Une habitude, un tic, quoi ! toutes les fois que j’entends parler des ennemis de la France. Puis tout à coup la réflexion m’est venue et je me suis dit en moi-même : Si c’est vrai, laissons-les faire, ils n’y sont pas pour longtemps, l’empereur est là ; car dans ma pensée celui-là et l’autre étaient toujours confondus. Mais point. Ces chiens d’Allemands entraient toujours et nous rossaient de tous les côtés à la fois. Ils pillaient, ravageaient, saccageaient, et on les laissait faire.

En entendant raconter ce qui se passait, je me sentais devenir enragé. Je me rappelais nos batailles à nous : Eylau, Leipsig, Austerlitz, où je les avais vus fuir comme des potées de souris, dès qu’ils apercevaient le bout de nos baïonnettes. Et maintenant c’était nous qui nous sauvions. Eh bien ! mes enfants, savez-vous pourquoi, c’est que nous n’avions plus de Napoléon. A présent, c’est moi qui vous le dis : il vaudrait mieux qu’il n’eût jamais existé. Que nous reste-t-il de tant de gloire et de conquêtes ? Une colonne qu’on vient d’abattre, tandis qu’eux en feront une avec nos canons. Car aujourd’hui ils se vengent. Ah ! une vengeance terrible et une honte que jamais, jamais, entendez-vous, nous ne pourrons laver.

— Eh ! père Sergent, fit Mathurin, il n’y a que l’empereur qui pourrait encore nous tirer de là.