Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/28

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— Des poupées dont les ressorts sont plus ou moins perfectionnés, selon l’habileté de vos institutrices ; des poupées plus ou moins bien vêtues, selon votre bourse et le génie de vos modistes. Vous a-t-on jamais appris à occuper utilement votre intelligence ? A-t-on jamais ouvert votre cœur aux idées grandes, généreuses ? Mais tandis que la frivolité et l’oisiveté perdent la femme des classes supérieures, l’excès du travail et l’insuffisance des salaires avilissent l’ouvrière. En haut comme en bas, le défaut d’éducation est le plus grand mal. Quelle instruction lui donne-t-on à cette femme qui doit élever ses enfants ? On ne connaîtra la femme que lorsqu’elle pourra développer ses facultés et s’affranchir, en gagnant honnêtement sa vie, de la dépendance matérielle de l’homme, dépendance qui l’annihile et la dégrade. Jusque-là, elle passera pour un être inférieur, frivole, corrompu ou corruptible.

— Ma chère Bathilde, interrompit M. Borel, vous n’êtes pas Française. Vous êtes digne d’être quakeresse et de prêcher en Amérique.

— En France comme en Amérique, et pour la femme comme pour l’homme, il n’y a de dignité possible qu’avec la liberté. La femme ne doit point être placée sous la tutelle absolue de l’homme. On doit surtout assurer, à celle qui travaille, l’indépendance qu’elle gagne à la sueur de son front. »

Madeleine, en écoutant Mlle Borel, avait rougi et pâli tour à tour. Elle abaissa les yeux sur sa tapisserie, et l’on vit au bord de ses cils trembler une larme.

« C’est à l’homme à travailler pour la femme, » objecta M. Borel.

« Non, jamais, dit Maxime en lançant une œillade à