Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/27

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tres causes que l’augmentation des salaires. C’est l’organisation même du travail manufacturier, c’est-à-dire la dispersion de la famille dans les manufactures, l’extrême division du travail ; puis aussi le défaut d’éducation, l’exiguïté et l’insalubrité des logements ; mais par-dessus tout, le sentiment de l’impuissance où sont les ouvriers d’améliorer leur position. Comment voulez-vous que cette femme qui, dès l’âge de huit ans, est réduite à l’état de machine, dont on n’a jamais cherché à développer le cœur ni l’intelligence, ait des instincts affectifs bien élevés, qu’elle exerce sur l’ouvrier une influence bienfaisante et sache le retenir dans des liens sérieux ? Tant qu’on ne changera pas la condition de l’ouvrière, il n’y aura pas de salut possible pour l’ouvrier.

— Oui, ajouta le jeune Daubré d’un ton rêveur. En cela, l’idée chrétienne est juste ; c’est la femme qui sauvera l’humanité.

— Enfin, ma sœur, c’est là votre dada ! » repartit M. Borel avec humeur.

Madeleine regarda anxieusement Mlle Borel, qui ne répondit pas.

« L’ouvrier, l’ouvrière, la femme ! dit Mme Daubré en se drapant coquettement dans la gaze qui l’enveloppait. Tous nos écrivains aujourd’hui se croient une mission sociale. À les lire, on dirait vraiment que l’ouvrier est une invention toute moderne, et qu’ils viennent de découvrir la femme.

— Ils la cherchent sans la trouver, répondit gravement Mlle Borel, ainsi que Diogène cherchait un homme. La femme n’existe pas encore.

— En vérité ? Mais alors, ma tante, que sommes-nous donc ? » demanda, en raillant, Béatrix qui visait à l’esprit.