Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/30

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physique qu’il faut endurer pour gagner son pain ? Vous qui passez votre vie dans l’insouciance, dans le plaisir, vous blâmez, n’est-ce-pas, sans miséricorde, le malheureux qui, un jour sur sept, va au cabaret, se laisse entraîner et dissipe son gain de la semaine ? Assurément cet homme est égoïste, qui, par une coupable imprévoyance, laisse une famille dans la détresse ; mais représentez-vous donc cette nature vigoureuse qui réclame, elle aussi, ses heures de liberté, d’expansion, de plaisir. Sans doute l’ivrognerie et la paresse engendrent de grands malheurs ; sans doute il faut les combattre par tous les moyens ; mais ce n’est pas à nous, oisifs, qui ne savons rien des tortures du travail et de la misère, de les condamner sans pitié, ces martyrs.

— Euh ! euh ! fit M. Daubré, voilà des maximes qui mèneraient loin !

— Moi, avec mes nerfs, dit Mme Daubré, je ne puis songer à ces choses-là. Comme on ne saurait y remédier, le mieux est d’y penser le moins possible.

— Mais ma sœur y remédie, repartit M. Borel avec raillerie. L’augmentation des salaires est au bout de ses tirades. De nos capitaux engagés, de nos risques, elle ne tient aucun compte.

— L’augmentation des salaires est un moyen insuffisant, répliqua Mlle Borel.

— Alors, voyons ta panacée.

— Je n’en ai pas. Je crois seulement qu’il est très-utile de poser ces formidables problèmes, et d’appeler sur eux, dans l’intérêt de la classe riche, l’attention des législateurs. Je crois aussi au progrès de toute science ; je crois qu’après des tâtonnements nécessaires, on trouvera cette panacée, et qu’on arrivera à régler, d’une ma-