Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/37

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Mais, à côté de ceux-là, il en est d’autres que domine l’esprit du temps, et qui veulent s’enrichir vite et à tout prix. Leurs capitaux, disent-ils, ne peuvent dormir ; et, par conséquent, pas de repos pour le travailleur. Ceux-là entassent les ouvriers dans des établissements insalubres, leur mesurant avec parcimonie l’air et l’espace. Ils exigent plus de travail et ils payent moins.

Ainsi se montrait M. Daubré. C’était pourtant un homme compatissant, qui s’intéressait au bonheur de ses ouvriers. Mais il était pressé par la nécessité. Les goûts aristocratiques et luxueux de sa femme l’entraînaient à des dépenses excessives qu’il fallait couvrir.

Il possédait deux filatures, l’une dans le quartier Saint-Sauveur, et l’autre en dehors de la ville. Il y avait joint tout récemment un tissage mécanique.

Quiconque n’a pas traversé les courettes de Lille, quiconque n’a pas visité ces caves malsaines et nauséabondes où croupissaient, il y a quelques années, les ouvriers de cette ville, la plus riche de la Flandre, celui-là n’a point vu la misère dans toute sa hideur, celui-là ne peut se représenter l’état de dégradation morale et physique où elle fait descendre l’être humain.

On se souvient encore de l’émotion produite par les révélations navrantes d’un illustre économiste ; on n’a pas oublié le sombre tableau qu’il traça de ces logements souterrains.

Aujourd’hui la plupart de ces caves ont été détruites ; mais en 1863 un assez grand nombre existaient encore.

Vers le milieu de la rue des Étaques, rendue célèbre par la description qu’en a faite Blanqui, se trouvait un de ces bouges. Il était habité par un fileur du nom de Gendoux.