Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/40

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Le soir, ces cinq êtres, semblables à des animaux, dévoraient quelque nourriture indigeste, car le feu ne s’allumait jamais ; puis ils s’étendaient sur la paille humide qui leur servait de lit[1]. La mère Gendoux avait pitié d’eux. Quelquefois elle leur faisait de la soupe ou donnait aux enfants un peu de bière. Elle avait pris de l’affection pour ces petits qui demeuraient avec elle tout le jour, et elle devait chercher l’affection, car sur son visage triste et austère, plein de bonté pourtant, se lisait une douleur profonde. De temps à autre, un soupir s’échappait de ses lèvres, elle essuyait une larme et murmurait :

« Pauvre Geneviève ! que fait-elle ? Mon Dieu ! qu’est-elle devenue ? »

Quand la nuit fut close, la mère Gendoux alluma la lampe, monta l’échelle vermoulue, ferma la trappe, puis alluma le feu et prépara le souper pour Gendoux qui allait venir.

L’enfant cessa de coudre et joua avec son petit frère.

  1. Les ouvrages de MM. Blanqui, Villermé, Jules Simon, etc., abondent de tableaux plus effroyables encore que celui-ci. En peignant toute la réalité, nous craindrions d’être accusé d’exagération ou d’invraisemblance ; nous craindrions surtout de tomber dans un réalisme par trop abject. Nous reproduirons seulement ce passage que Jules Simon emprunte à Blanqui : « Le foyer domestique des malheureux habitants de ces réduits se compose d’une litière effondrée, sans draps ni couvertures ; et leur vaisselle consiste en un pot de bois ou de grès écorné qui sert à tous les usages. Les enfants les plus jeunes couchent sur un sac de cendres ; le reste de la famille se plonge pêle-mêle, père et enfants, frères et sœurs, dans cette litière indescriptible, comme les mystères qu’elle recouvre. Il faut que personne n’ignore qu’il existe des milliers d’hommes parmi nous dans une situation pire que l’état sauvage… » « Ce tableau est encore vrai, ajoute Jules Simon. On a fait de grands efforts, mais le nombre des pauvres croît dans une proportion effrayante. »