Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle éprouve de si grandes douleurs d’estomac qu’elle ne peut continuer son travail.

« J’ai obtenu de venir passer deux jours à Lyon pour consoler un peu ces pauvres désolées. Hier, j’ai conduit notre mère au médecin. Il ne nous a donné aucun espoir de guérison. Les yeux sont usés par le travail à la lumière et par les larmes. En effet, elle a tant pleuré, cette martyre ! Mon père lui a causé tant de chagrins !

« Il y a assez longtemps qu’il n’est venu la tourmenter. Sans doute il est malheureux, lui aussi ; je le plains et je l’excuse dans mon cœur ; car c’est le découragement qui l’a poussé d’abord à s’enivrer ; mais n’est-il pas affreux de penser que ce vice ait étouffé en lui l’amour paternel, et que ses enfants se réjouissent de son absence !

« Enfin un autre malheur nous menace. Notre belle Claudine s’est éprise d’un canut du nom de Jaclard. C’est un dissipateur qui s’enivre aussi, et qui joue tout ce qu’il gagne. Elle veut absolument l’épouser. Mais notre mère s’y oppose. Elle a tant souffert avec notre père qu’elle tremble de voir Claudine tomber dans un malheur pareil. Épouser un ivrogne, un débauché, ma mère aimerait autant la voir morte !

« Il n’y aurait, pensons-nous, qu’un moyen de la sauver, ce serait de l’éloigner. Autrefois, elle avait désiré aller à Paris ; car son métier de remetteuse ne lui a jamais plu : il a trop de chômages. Penses-tu qu’à Paris elle trouverait facilement de l’occupation ? Tu sais qu’elle coud parfaitement, qu’elle est adroite et intelligente. Mais comment trouver de l’argent pour son voyage ?

« C’est à toi, chère Madeleine, que nous recourons