Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/61

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pour nous tirer de cette douloureuse situation. Nous savons combien ta position chez les Borel est délicate ; et tu as déjà tant fait pour nous ! Cependant ne pourrais-tu encore obtenir de M. ou de Mlle Borel une avance de cent francs pour payer le voyage de Claudine ? Nous nous engagerions, Marie et moi, à les rembourser dans un an.

« Il n’y a vraiment que ce moyen de sauver notre chère Claudine, qui est comme ensorcelée par ce mauvais sujet.

« Nous connaissons ton cœur, ma bonne Madeleine ; nous savons que tu feras peut-être l’impossible pour nous tirer toutes de la désolation. Mes appointements d’institutrice sont si minimes que je puis fort peu par moi-même, et j’ai bien, moi aussi, mes tracas.

« Il n’est pas certain que je conserve longtemps cette place qui me donne à peine du pain. Je te conterai cela une autre fois. Pour le moment, je ne m’inquiète que du sort si malheureux de ces chères affligées.

« À bientôt de tes nouvelles, bien aimée sœur. Nous t’embrassons comme nous t’aimons, de tout cœur.

« Amélie Bordier. »


Bien que Madeleine connût peu ses parents, elle éprouvait pour eux une très-vive affection. Comme le sort l’avait privilégiée, elle croyait aussi devoir à sa famille restée pauvre plus de dévouement.

Cette lettre, empreinte du calme et de la résignation que donne l’habitude de souffrir, accusait pourtant une situation si douloureuse que plusieurs fois, en la lisant, Madeleine eut le cœur serré, et ses yeux s’emplirent de larmes.