Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par son attitude il semblait dire : Voyons, parlez, je vous écoute avec résignation.

Lionel de Lomas était un homme du meilleur monde, élégant, spirituel, fort intrigant, pour ne pas dire fort corrompu. Son type régulier offrait beaucoup de distinction et de finesse. Ses yeux bleus, ordinairement froids comme l’acier, savaient prendre, selon la circonstance, une expression rêveuse ou lascive. Grâce à de réelles bonnes fortunes, à quelques indiscrétions habiles, à quelques extravagances calculées, il s’était acquis une réputation d’homme irrésistible.

Il affectait encore le ton et les allures d’un jeune homme. Cependant, aux rides qui commençaient à cerner ses paupières, on devinait aisément qu’il approchait de la quarantaine.

Il était vêtu, comme une femmelette, d’un gracieux costume du matin, veste et pantalon de drap blanc avec agréments bleu ciel. Ce vêtement seyait aux lignes féminines de son visage, à son teint pâle, à sa jolie chevelure blonde.

La jeune fille demeura interdite devant ce luxe qu’elle ne soupçonnait point. Honteuse d’abord de sa pauvreté, elle se remit pourtant et s’écria avec un accent de reproche, presque d’indignation :

« Oui, c’est moi, moi que vous abandonnez. Oui, je viens, quoique vous me l’ayez défendu, car je meurs d’inquiétude, de chagrin et de misère aussi. Enfin, puisque je ne vous vois plus, il faut bien que je vienne, moi, pour vous dire… pour vous apprendre… »

Elle éclata en sanglots.

Lionel avait toujours traité l’amour assez légèrement, et n’avait guère aimé que des femmes légères.