Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas la fraîcheur du soir ? Et s’adressant à M. de Vaudrey : Qu’êtes-vous donc devenu toute l’après-midi ?

— J’ai fait une promenade à cheval jusqu’aux grottes de Baume, que vous m’aviez dites si curieuses à visiter. Cette ceinture de rochers gigantesques, taillés à pic, au pied desquels s’étend un frais vallon, est vraiment d’un pittoresque fort étrange. La grotte laissait échapper un torrent écumeux ; je n’ai donc pu gravir l’échelle fragile qui s’appuie à l’ouverture, ni visiter le lac qu’elle renferme dans ses profondeurs. À mon retour, me trouvant fatigué, je suis venu me reposer ici en attendant le souper.

— Mais comme tu es pâle, Gabrielle s’écria Henriette avec un accent de tendre intérêt. Souffres-tu ?

— Moi ! oh ! non, répondit Gabrielle, comme au sortir d’une extase.

Paul, pour prévenir de la part d’Henriette d’autres questions embarrassantes, remit la conversation sur sa promenade.

Pendant le souper, il fut aimable, enjoué, beau conteur, jouissant de la plus entière liberté d’esprit, tandis que Gabrielle demeurait absorbée dans son bonheur, n’osant parler ni lever les yeux, dans la crainte de révéler par des accents ou des regards les félicités dont son cœur était rempli. Elle s’étonnait que Paul conservât une telle présence d’esprit. S’il était aussi ému et aussi heureux que moi, pensait-elle, il ne pourrait parler autant, et elle s’effrayait d’en conclure que l’amour de Paul n’était point aussi grand que le sien.

En effet, M. de Vaudrey ne pouvait aimer