Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/30

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que superficiellement ; chez lui, l’amour n’était guère qu’une manifestation de l’égoïsme. Depuis la scène du parc, il avait fait déjà quelques réflexions : Gabrielle n’avait-elle pas montré trop d’empressement à recevoir ses aveux ? Elle commençait à lui paraître trop jeune et trop naïve. Il se repentit donc de s’être lui-même autant pressé, et s’en consola en pensant que l’apparition d’Henriette était venue fort à propos interrompre une conversation qui l’eût engagé sans retour, peut-être, vis-à-vis de Gabrielle. Puis, Renée lui parut tout à coup plus belle que sa jeune sœur ; son attitude calme, pleine de dignité, lui sembla préférable à l’excessive impressionnabilité de Gabrielle.

Ce soir-là, Renée avait coquettement posé dans ses beaux cheveux d’or quelques brindilles d’un feuillage léger comme de la plume et qui seyait délicieusement à son teint plus délicat qu’une fleur d’églantier. Son sourire exprimait une douceur idéale, et son regard une candeur qui devait inspirer à un homme blasé le désir de troubler cette sérénité virginale. Et comme elle témoigna quelque froideur à M. de Vaudrey, la vanité de celui-ci s’en irrita ; il résolut de dompter cette fierté et d’abaisser jusqu’à lui cette noble créature, dont il reconnaissait instinctivement la supériorité. Il changea donc de projet, et pendant toute la soirée il enveloppa Renée d’attentions et de tendres regards.

Gabrielle, ne comprenant rien à ce manège, pensa d’abord que M. de Vaudrey, pour un motif qu’elle ne devinait pas, voulait donner le change sur ses sentiments ;