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le fort et le château saint-louis

J’étais bien jeune lorsque j’entendis faire l’éloge des chevaux canadiens pour la première fois. Dans ce temps-là, il n’y avait pas de chemin de fer, pas de télégraphe, mais il y avait des officiers anglais à Sorel et aux Trois-Rivières, et des mauvais chemins partout. Un officier de la garnison de Sorel, — un capitaine pour le moins, — racontait que, parti de Berthier, un matin du mois de janvier, pour se rendre aux Trois-Rivières, il avait été arrêté par une affreuse tempête, obligé de laisser ses chevaux pur sang à Maskinongé et de les remplacer par des « marche donc ! » (sic), des chevaux canadiens, les seuls, disait-il, qui pussent tenir sur la route par un temps et des chemins pareils.

Le cultivateur canadien était autrefois si fier de son cheval que, pour le faire valoir, il courait le risque de tuer les gens. Une ordonnance de l’intendant Michel Bégon, datée du 29 février 1716, se lit comme suit :

« Sur ce qui nous a été représenté, que dans les grands chemins et particulièrement à la sortie de l’église, quelques habitants poussent les chevaux attelés à leurs carrioles, ou ceux sur lesquels ils sont montés, avec tant de vitesse qu’il arrive souvent que, n’en étant plus les maîtres, ils renversent les carrioles qui se trouvent dans leur chemin, et même des gens auxquels ils ne donnent pas le temps de se ranger, d’où il est arrivé déjà plusieurs accidents fâcheux ; à quoi étant nécessaire de pourvoir, nous faisons défense à toutes personnes, tant ceux qui conduiront des carrioles que ceux qui monteront leurs chevaux, de les faire trotter ou galoper quand ils sortiront de l’église, avant d’en être éloignés de dix arpents : ensuite pourront donner à leurs chevaux le train qu’ils voudront, lorsqu’il n’y aura personne devant eux, ni charrois ni traîne ; leur