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De toutes façons il faut un combustible autre pour faire marcher les dynamos et générateurs.

Vous avez le choix entre le bois, le charbon ou les essences telles que pétrole, benzine ou autres dérivés.

— Mais tout ça est trop encombrant, dit le cacique.

— En ce cas employez le bazout, un comprimé du pétrole brut. Don Manuel se rangea à son avis et commanda 50 tonnes de bazout. Peu importe le prix dit-il à Petitjean.

Ensuite il commanda un canot d’une valeur de 250 000 francs. À vrai dire c’était un bateau de 55 mètres de long, 4 de large, calant 1 mètre 80 centimètres seulement, pouvant développer une force de 250 chevaux et une vitesse de 36 nœuds à l’heure.

Il n’y manque que les canons et les tubes lance-torpilles pour en faire un destroyer, dit Petitjean en riant.

Vous avez sans doute envie de déclarer une guerre à vos voisins ? ajouta-t-il ensuite.

— Je n’ai pas de voisins, répondit Don Manuel, mais des sujets. Cependant je lis dans les journaux que les récoltants de caoutchouc dans l’Acre viennent de proclamer la république chez eux. Il paraît même que le Brésil a déjà envoyé une expédition pour réprimer la révolte.

— Des mots tout ça, dit Don Manuel. Vous êtes-vous rendu compte des difficultés d’une pareille expédition ? À mon avis les Acréens peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Mais tout ça ne me regarde pas, dit-il ensuite ce ne sont pas des indiens ceux-là mais une foule d’aventuriers de toutes les nations. Sans issue directe vers la mer, ils végéteront puis finiront par se tuer les uns les autres faute d’ennemis. Voilà la seule façon de les vaincre.

Don Manuel continua à feuilleter ses catalogues. Dès qu’il eut fini ses achats, il demanda à Petitjean à combien ils se montaient.

— À 846.000 francs dit celui-ci. Il restera encore de l’argent, dit le cacique. Je prendrai cette fois-ci pour cent à cent cinquante mille francs de pacotilles et le reste, s’il y en a, vous le conserverez.

Mais il faut vous dépêcher. Je veux une livraison endéans les six mois. Vous l’aurez répondit Petitjean, car vous avez choisi des objets faits en série et qui doivent être faits d’avance, sauf les armes, bien entendu.

L’heure du dîner approchait.

Les trois hommes burent encore un verre de pisco où ils ajoutèrent quelques gouttes de cascarilla qui avait la propriété de donner de l’appétit.

Quand on pense, se dit Lucien, que tous ici ne boivent que des cock-tails et des mixtures compliquées qui coupent plutôt la faim alors qu’ils ont à leur portée des meilleures, j’en conclus comme le proverbe,