Page:Gaillet - La vie de Marie Pigeonnier, 1884.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 133 —

N’avait-elle pas plus de clients qu’elle n’en pouvait contenter ?

Elle appela son cénacle, sa galerie de singes ; elle en avait vingt-deux réguliers par semaine, trois par jour et un de plus le vendredi, jour maigre ; sans doute le mari d’une femme dévote qui ne voulait pas faire gras ce jour-là.

Ajoutez à cette clientèle sûre un casuel très important.

Ce qui était adorable, c’était l’accent touchant qu’elle prenait pour dire à chaque nouvel arrivé :

— « Ah ! tu es le premier aujourd’hui ; tu m’étrennes ; hein ! as-tu de la veine. »

Au fond, cette femme n’avait pas pour deux sous d’entrailles ; c’était une grossière sceptique.

On raconte qu’un jeune frère se mourait chez elle ; il lui fallait de l’air pur ; et la chambre où il était couché servait de trou à fumier ; on y laissait des vases de nuit pleins, des semaines entières ; on y jetait les épluchures de la cuisine, les restes des assiettes ; de vieux os pourrissaient dans les coins ; partout des amas de poussière, d’ordure et de crasse ; bref ! l’atmosphère qui entourait le pauvre enfant était fétide, putride ; un robuste y serait mort.

 
8