D’abord, parce qu’il était impossible à la nature d’unir des corps aussi différents ; car il ne lui suffisait pas, comme aux statuaires et aux peintres, d’associer des couleurs et des formes ; mais il lui fallait encore mélanger intégralement des substances qui ne sont ni combinées, ni tempérées. Supposez le commerce d’un homme et d’une cavale, la matrice ne pourra jamais élaborer le sperme. Que Pindare, comme poëte, accueille la fable des centaures, on peut le tolérer ; mais si c’est comme un homme sage et comme se donnant pour plus instruit que le vulgaire qu’il ose écrire (Pyth. II, vers 44-48, éd. de Bergk) : « ce mortel s’unit au pied du Pélion avec les cavales de Magnésie : de cette union naquit un peuple merveilleux semblable à ses parents ; il tenait de la mère par la partie inférieure du corps, et du père par la partie supérieure[1], » on l’accuserait avec raison de s’arroger une fausse sagesse[2].
Une jument pourrait, il est vrai, recevoir, conserver la semence de l’âne, et l’élaborer jusqu’à formation d’un animal d’un
- ↑ Suivant Pindare, Ixion fut puni par Jupiter pour avoir osé prétendre aux faveurs de Junon. En arrivant à la couche de la reine des dieux, il n’embrassa qu’une nuée monstrueuse dont il eut un fils, nommé Centaure, lequel s’unit aux cavales de Magnésie. De ce couple naquit la race des Hippocentaures, qu’on appelle plus ordinairement Centaures. — Voy. les scholies sur ce passage dans l’éd. de Boeckh, t. II, p. 319-20, et ses explicat., t. II pars 2a, p. 246 ; voy. aussi la note de Heyne, t. I, p. 219. — Cf. sur la fable des Centaures, Hoffmann, l. l., p. 36, et surtout Jacobi, Dictionnaire mythologique (en all.) voce Kentauren.
- ↑ On me permettra de rappeler ici les vers où Lucrèce a combattu la fable des Centaures (chant V, v. 878, éd. de Lachmann, Berl. 1850 ; v. 876, éd. d’Havercamp et de Wakefield. — Cf. aussi le texte de Jac. Bernays, 1852) :
Sed neque centauri fuerunt, nec tempore in ullo
Principio circum tribus actis impiger annis
Esse queunt duplici natura et corpore bino
Ex alienigenis membris compacta ; potestas
Hinc illinc partis ut si par esse potissit.
Floret equus, puer haud quaquam ; nam sæpe etiam nunc
…Neque florescunt pariter nec rob ora sumunt
Ubera mammarum in somnis lactantia quærit.
Corporibus, neque proiciunt ætate senecta,
Nec simili Venere ardescunt, nec moribus unis
Conveniunt, neque sunt eadem iucunda per artus.
Quippe videre licet pinguescere sæpe cicuta
Barbigeras pecudes, homini quæ est acre venenum.