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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, III, i.

genre mixte ; il en est de même de l’ânesse par rapport au cheval, de la louve par rapport au chien, du chien par rapport à la louve ou même à la femelle du renard, et encore du renard par rapport à la femelle du chien[1] ; mais une cavale ne saurait sans doute pas recueillir au fond de sa matrice la semence de l’homme, car il faudrait pour cela un membre viril plus long que n’est celui de l’homme ; et cette semence, lors même qu’elle s’y introduirait, se corromprait à l’instant, ou du moins très-promptement.

Nous t’accordons, ô Pindare, les chants et les fictions de la Fable, sachant que la Muse de la poésie exige plus encore le merveilleux que les ornements qui lui sont propres ; car elle a, je pense, moins la prétention d’instruire que celle de surprendre l’imagination et de charmer les oreilles[2]. Pour nous, qui avons souci bien plus de la vérité que de la fable, nous savons clairement que la substance de l’homme et celle du cheval ne sauraient être en aucune façon mélangées.

Mais admettons que les semences se mélangent pendant la gestation et qu’il se forme ainsi cet animal ridicule et étrange, de quels aliments nourrirez-vous ce produit ? Je ne puis l’imaginer. Donnerez-vous par hasard des herbes et de l’orge crus à la partie inférieure chevaline, et à la partie supérieure les substances cuites dont l’homme s’alimente ? Mais alors il serait peut-être mieux de créer deux bouches, l’une d’homme, l’autre de cheval, et si on veut faire des conjectures sur la poitrine de cet animal on trouvera qu’il court risque aussi d’avoir deux cœurs[3]. Que si cependant on passe par-dessus toutes ces absurdités, et si on admet que cet homme à jambes de cheval puisse naître et vivre, quel autre

  1. Aristote (Hist. anim., VIII, xxviii, § 8, p. 170, éd. Bussem.) rapporte qu’en Cyrénaïque, on voit des animaux de genre différent (μὴ ὁμοφύλων), par exemple le chien et le loup, le renard et le chien, le tigre et le chien, cohabiter et donner naissance à des produits. — Voy. dans l’Hist. nat. de l’homme, par Prichard (trad. du docteur Roulin, Paris, 1845, in-8o, t. I, pp. 15-24 ), les considérations sur l’hybridité.
  2. Hoffmann (l. l., pp. 36-38) dans sa longue note sur ce passage a donné toute une théorie des licences poétiques.
  3. Aristote (De gener. anim., IV, iii, p. 401, l. 28, éd. Bussem.) a donné une autre raison de l’impossibilité de pareils monstres : — « Il est impossible, dit-il, qu’un semblable monstre, c’est-à-dire un animal dans un autre animal, puisse prendre naissance ; la durée de la gestation qui diffère beaucoup chez la femme,