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DU MEMBRE ABDOMINAL.

avantage tirera-t-il de sa conformation si ce n’est la vitesse ? et encore cette rapidité ne pourra-t-il la mettre à profit en tous lieux, mais seulement sur une plaine unie et sans inégalités. Si on a besoin de gravir ou de descendre, de marcher sur un terrain en pente ou accidenté, la disposition actuelle des jambes de l’homme est de beaucoup préférable. Ainsi soit pour franchir un obstacle, soit pour escalader des rochers pointus et escarpés, en un mot pour triompher de tous les obstacles de la route, l’homme vaut mieux que ce centaure monstrueux.

Je voudrais le voir, ce centaure, bâtissant une maison, construisant un vaisseau, grimpant à l’aide des mâts sur les antennes des navires ; bref, mettant la main à quelque manœuvre nautique. Quelle insigne maladresse en toutes choses et souvent quelle impuissance absolue ne montrerait-il pas ! Comment, s’il s’agit de bâtir une maison, monterait-il au sommet des murs élevés, sur des échelles longues et étroites ? Comment grimperait-il sur les antennes des vaisseaux ? Comment serait-il en état de ramer, puisqu’il ne saurait s’asseoir convenablement ? Supposez qu’il le pût, ses jambes de devant empêcheraient le service de ses mains. Peut-être nautonier incapable, serait-il bon laboureur ? Mais dans ce dernier métier son incapacité éclaterait encore davantage, surtout s’il lui fallait travailler sur un arbre en y grimpant et cueillir certains fruits. Ne considérez pas son ineptie seulement dans cette situation, passez en revue toutes les industries : le voilà forgeron, cordonnier, tisserand, écrivain ; regardez-le, comment s’assiéra-t-il, sur quelles jambes posera-t-il son livre[1], comment maniera-t-il

    chez la brebis, chez la vache et chez la chienne, le démontre. Il n’est pas possible que chaque animal ne naisse pas à son temps. » — Au commencement du chapitre suivant, Aristote combat Démocrite qui attribuait la formation des monstres au mélange de deux semences étrangères l’une à l’autre, et dans le chap. x du même livre IV, il a longuement disserté sur la durée de la gestation pour les divers genres d’animaux. — Cf. aussi le passage de Lucrèce cité plus haut et les-notes dans l’éd. Ad usum Delphini et dans celle de P. A. Lemaire. — Hier. Magius, dans ses Variæ lectlones, seu miscell. (Venet., 1564, I, xx, pp. 57 et suiv.), combat l’existence des centaures et des autres monstres imaginaires auxquels le vulgaire, et même certains savants, croyaient encore de son temps.

  1. Hoffmann (l. l., p. 38), remarque, à propos de ce passage, que les anciens