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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS, XI, x.

se ramifiant sur les muscles, l’une devant lui servir à apprécier les saveurs, l’autre, à la mouvoir au gré de la volonté, comme précédemment nous l’avons dit (IX, xiii et xiv ; voy. aussi chap. xii) en expliquant l’origine des nerfs de l’encéphale. Il est même des animaux, par exemple les serpents, qui ont la langue fendue. Chez l’homme, comme il n’était préférable ni pour la nutrition, ni pour la parole que la langue fût fendue, ses parties ont été avec raison unies et rassemblées en une seule. Elle n’en est pas moins double évidemment puisque de droite à gauche, non plus que de gauche à droite, on ne voit passer ni muscle, ni veine, ni artère, ni nerf[1]. La force, la grandeur de la langue à sa base qui la consolide, l’effilement de sa pointe, qui lui permet un mouvement rapide, ce sont là des qualités qui ne me paraissent pas dériver d’une prévoyance vulgaire.

Si, parmi les muscles, les uns devaient élever la langue vers le palais (mylo-hyoïdien), les autres la baisser (hyo-glosse et génio-glosse), d’autres la porter vers les côtés (stylo-glosse), et si, en conséquence, ils sont venus, les uns des parties supérieures, les autres des parties inférieures, ceux-là des côtés, s’insérer sur elle, n’est-ce pas encore l’œuvre d’une admirable prévoyance ? En effet, dans notre traité Sur le mouvement des muscles (I, iv et v), nous avons démontré que chacun d’eux tire la partie dans le sens de son propre principe. Ainsi nécessairement les muscles issus des parties supérieures devaient mouvoir la langue vers le haut ; les muscles issus des parties basses devaient la mouvoir vers le bas, et de même les muscles obliques devaient effectuer les mouvements de la langue vers les deux côtés.

Mais comme la langue, en se desséchant, devient difficile à mouvoir, ce qu’on voit clairement chez les personnes dévorées par la soif ou atteintes d’une fièvre brûlante, qui a consumé toute l’humidité de la bouche, la nature a pourvu, par un expédient admirable, à ce que la langue n’eût guère à redouter une sembla-

  1. C’est là une proposition théorique évidemment fausse ; car le croisement a lieu pour tous les muscles ; les génio-glosses se croisent sur la ligne médiane, en sorte qu’à ce niveau la division de la langue en deux moitiés latérales disparaît (voy. dans Encyclop. anat. la Splanchn., par Huschke, p. 540). L’isolement sur la ligne médiane des vaisseaux et des nerfs n’est pas non plus aussi absolu que le prétend Galien.