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DES MŒURS DE L'ÂME.

chose que le mot essence[1] ; car, s’il n’y avait aucune différence dans l’essence de leur âme, elle accomplirait toujours les mêmes actes, et les mêmes affections seraient produites en elles par les mêmes causes. Il est donc évident que les enfants diffèrent les uns des autres, autant par l’essence de leur âme que par ses actes et par ses affections, et, s’il en est ainsi, par ses puissances. Cela confond, tout d’abord, beaucoup de philosophes qui ont une notion mal définie de la puissance ; ils s’imaginent, ce me semble, que la puissance est quelque chose qui habite dans les essences, comme nous habitons dans les maisons[2], puisqu’ils ignorent qu’il existe, pour chaque chose qui se produit, une cause formatrice, laquelle est considérée dans un rapport de relation (κατὰ τὸ πρός τι)[3], et qu’il y

  1. Voy. dans la dissertation précitée le sens que Galien donnait aux mots φύσις (nature) et οὐσία (essence, ou substance).
  2. Pour cette phrase j’ai suivi la correction proposée par Goulston. Voy. sa note de la p. 217, lig. 49, où il lit οὕτω pour οὔπω du texte vulgaire ; οὔπω rend la construction presque impossible, et d’ailleurs trouble le sens.
  3. Galien lui-même a expliqué dans le premier livre des Facultés naturelles (chap. iv, t. II, p. 9-10), ce qu’il entendait par cette expression : « La puissance (ou faculté, δύναμις), dit-il, qui existe dans les veines et qui est appelée sanguifique (αἱματοποιική), et toute autre puissance est conçue dans le relatif (ἐν τῷ πρός τι), car la puissance est la cause première de l’action (de la fonction, ἐνέργεια) ; elle le devient accidentellement de l’acte (ἔργου) ; mais si la cause est quelque chose de relatif (ἡ αἰτία πρός τι), car elle est relative seulement à ce qu’elle produit et à nulle autre chose, il est évident que la puissance appartient aussi à la catégorie des relatifs, et tant que nous ne connaissons pas l’essence de la cause agissante, nous l’appelons puissance. Ainsi, nous disons qu’il y a dans les vaisseaux une certaine puissance qui fait le sang, et nous disons de même qu’il existe une puissance coctrice dans l’estomac, une puissance sphygmique dans le cœur, et pour chaque autre partie une certaine puissance propre pour les fonctions de chacune d’elles. Si donc nous voulons rechercher avec méthode en quel nombre et de quelle nature sont ces puissances, nous commencerons par les actes, car chacun d’eux est le produit d’une certaine fonction, et l’intervention d’une cause précède chacune de ces fonctions. » — Aristote (De anima, II, 4, 1), dit aussi à peu près dans le même sens : « Les actes et les fonctions sont rationnellement antérieurs aux facultés (ou puissances). » Voy. aussi ibid., I, 1, 6. — Dans un ouvrage Sur la substance des facultés naturelles, ouvrage dont il ne nous reste plus qu’un fragment (t. IV, p. 760-1), Galien s’exprime encore en ces termes sur la nature des puissances ou facultés : « Ceux qui ont élaboré ce qu’on appelle la science de la nature… ont pensé, les uns, que certaines puissances incorporelles habitent dans les substances sensibles ; d’autres,