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DES MŒURS DE L'ÂME.

a une appellation propre et spéciale pour cette cause, en tant qu’elle produit tel ou tel effet. La puissance de ce qui se produit réside dans le rapport de la cause à son effet ; voilà pourquoi nous disons qu’une essence a autant de puissances que d’actions. Par exemple, nous disons que l’aloès a une puissance purgative, une puissance tonique pour l’orifice de l’estomac, une puissance agglutinative pour les blessures saignantes, une puissance cicatrisante pour les plaies dont la surface est plane, enfin, une puissance desséchante pour l’humidité des paupières[1], non certes qu’il existe dans l’aloès quelque chose de particulier en dehors de l’aloès lui-même, répondant à chacune de ces actions ; car c’est la substance même de l’aloès qui produit tout cela ; et parce qu’elle a la faculté de le faire, on dit qu’elle a autant de puissances que d’actions. Nous disons donc que l’aloès peut purger, fortifier l’orifice de l’estomac, agglutiner les blessures, cicatriser

    que ces substances elles-mêmes fonctionnent chacune suivant la nature qui lui est propre, que cette nature dépende soit du tempérament des quatre éléments, soit d’une certaine connexion des corps premiers qui sont appelés par les uns atomes (insécables), par les autres sans parties, par quelques-uns, enfin, omoiomères. Il y a aussi certains philosophes qui regardent notre âme comme incorporelle, d’autres la croient un pneuma, d’autres enfin soutiennent qu’elle n’a aucune existence propre, et ils ajoutent qu’on attribue à la propriété de la substance du corps les puissances des actes que cette substance exécute naturellement, et qu’il n’y a pas de puissance douée d’une nature propre, mais que la substance, quand elle agit selon sa propriété, est réputée avoir la puissance des choses qu’elle fait naturellement. » Galien ajoute que dans cette discussion de l’essence de l’âme, discussion dans laquelle on ne peut pas, suivant lui, apporter d’argument démonstratif, il garde une certaine réserve (μέση τάξις). — En résumé, la faculté ou puissance ne peut pas être considérée en elle-même, mais seulement par rapport à l’acte qu’elle produit ; c’est de cet acte qu’elle tire son nom. Par exemple, la faculté sphygmique n’a de réalité que parce qu’il existe un acte (la pulsation des artères, le pouls) qu’elle a à produire et avec lequel elle est par conséquent dans un rapport de relation ; autrement on ne pourrait pas la concevoir d’une manière abstraite et absolue. — Voy. le Comment. de Persona, p. 17 suiv., et Aristote, Categ., chap. v (vii), p. 6, édit. de Berl. ; et t. I, p. 81 suiv., édit. Barthél. Saint-Hilaire. — Il est en outre évident que la puissance tirant sa réalité de l’acte qu’elle accomplit, il y a autant de puissances que d’actes. Galien reconnaît de plus (De dogm. Hipp. et Plat., V, 5, t. V, p. 468), avec Aristote, qu’une puissance ne peut correspondre qu’à un seul acte.

  1. Voyez ce que Galien dit (De simpl. med. temper., VI, 1, § 23, t. XI, p. 822), sur les vertus de l’aloès.